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nous, qui n’a d’autre règle, d’autres limites que celles de nos forces intelligentes et sympathiques.

Qu’on le veuille ou non, qu’on s’en réjouisse ou s’en afflige, n’importe ; il faut[1] que toutes les questions (politiques ou sociales, scientifiques ou religieuses, inoffensives ou séditieuses) qui tiennent au grand problème des destinées de l’humanité, soient posées, divulguées, débattues ; il faut qu’elles se produisent et se reproduisent encore, toujours, éternellement, sous mille formes et de mille manières différentes, jusqu’à ce qu’enfin leur solution devienne claire, complète et satisfaisante.

L’intelligence doit sonder toutes choses, nous dit l’Écriture Sainte ; ce n’est pas en vain que cette parole est tombée sur notre terre. Le xixe siècle, héritier du criticisme du xvie et du xviiie, dont le bras terrible avait déjà si puissamment secoué les rameaux de l’arbre de la science du bien et du mal, semble chargé de l’accomplir dans toute sa rigueur. Sa pensée irrassasiable, sa volonté indomptable, irrémittente, toujours avide, après avoir dévoré les fruits, convoite jusqu’aux racines.

Et qui pourrait l’empêcher de fouiller le sol jusqu’à ses dernières profondeurs ? Et qui l’oserait ?

Insensés donc, insensés ! tous ces vieux enfants qui s’introduisent sur des monticules de sable, et de là, de leurs hauteurs croulantes, imaginent nous imposer en jouant péniblement, les uns à la royauté,

  1. Terrible il faut ! dit quelque part Bossuet (note de Liszt).