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comment la réaliser par les artistes auxquels on a pu appliquer, par rapport à l’art, la fameuse maxime des « dévots qui dégoûtent de la dévotion et des amis qui dégoûtent de l’amitié[1] ».

Qu’il me soit permis de m’étendre un peu sur ces questions, qui en renferment beaucoup d’autres : leur examen ne sera peut-être pas entièrement inutile à notre cause[2].

Et d’abord, s’il est aujourd’hui une chose généralement admise, un principe universellement reconnu comme nécessaire, d’une nécessité profonde, irrémédiable, toujours supérieure à toutes les combinaisons éventuelles qui se succèdent et se classent l’une l’autre, en vertu de l’impulsion progressive, providentielle à laquelle nul ne saurait résister, c’est évidemment le principe de libre discussion, le droit imprescriptible d’investigation et de critique étendu à tous les faits, à tous les modes, à toutes les conditions de notre organisation sociale, qui tout à la fois se dissout, se transforme et se renouvelle ; droit imprescriptible, disons-

  1. La Rochefoucauld (note de Liszt).
  2. La cause, M. de Vigny l’a dit dans sa belle préface de Chatterton, « c’est le martyre perpétuel et la perpétuelle immolation de l’artiste. La cause ?… c’est le droit qu’il aurait de vivre. La cause ?… c’est le pain qu’on ne lui donne pas. » La cause, enfin ?… c’est la dignité morale, la réhabilitation spirituelle, la consécration sociale et religieuse de l’art et des artistes, dont la mission est d’exprimer, de manifester, d’élever et de diviniser en quelque sorte le sentiment humanitaire sous tous ses aspects. Aussi un prédicateur-poète a pu dire légitimement ces paroles mémorables : « La régénération de l’art, c’est une régénération sociale » (note de Liszt). Le prédicateur poète est Lamennais.