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faire pressentir et je ne dissimulerai point que cette manière de les développer me convient davantage dans ce moment où (entouré de montagnes et de lacs, à plus de 150 lieues de la capitale) mon dessein n’est point de philosophailler doctoralement et par chapitres dans les colonnes de la Gazette Musicale, mais simplement de converser en long et en large sur une matière presque inépuisable, avec des amis absents et un peu oublieurs.

Voici donc ces objections, telles qu’elles ont été faites :

« Pourquoi, m’a-t-on dit, vous artiste, qui avez tant à vous louer de vos rapports sociaux et artistiques, pourquoi venez-vous maintenant, et cela d’une façon presque scandaleuse, intenter un double procès à la société et aux artistes ?…

À quoi bon soulever des questions dont l’opportunité et la maturité sont douteuses et que tant de médiocrités remuantes, tant de cuistres-prophètes (qui se posent, s’affichent et se drapent en grands hommes, régénérateurs révolutionnaires, Mahomets ou Napoléons tout au moins) compromettent si étrangement ?…

Avez-vous donc réellement foi en cette prétendue souveraineté de l’art ? Croyez-vous effectivement, et dans toute la force du terme, croyez-vous à son action religieuse, morale, gouvernementale, sur une société gangrenée d’égoïsme, entièrement absorbée par les intérêts matériels ?…

Et cette souveraineté même admise en théorie,