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principaux : La Scala, la Fenice et Saint-Charles (Milan, Venise et Naples). Saint-Charles que je ne connais pas encore, retentit des succès croissants de Nourrit sur lequel je n’ai rien à vous apprendre. Je veux pourtant vous conter en passant une petite anecdote ; elle vous donnera la mesure du tact exquis de notre artiste et de l’opinion que les Italiens conservent de leur suprématie musicale. Plusieurs personnes témoignant à Nourrit leur admiration et se félicitant de le voir prochainement paraître sur la scène italienne, il leur répondit, sans doute avec un sourire imperceptible : qu’il était tout confus « d’un accueil si au-dessus de son talent et qu’il venait en Italie pour apprendre à chanter ». Ce mot d’une si obligeante exagération, d’une plaisanterie si aimable, fut pris au sérieux par les dilettanti ; on l’accepta au pied de la lettre, et j’eus mainte occasion depuis de m’entendre dire que Nourrit se fixait à Naples afin d’y étudier le chant. Ô sainte simplicité[1] !

Dans une lettre que je vous adressais de Venise, je vous parlais avec détail de la Fenice, cette admirable salle, de si harmonieuses proportions, décorée avec tant de goût et d’élégance, et de la troupe d’élite qui, à cette époque, faisait les délices des

  1. Remarquons ici qu’à l’heure uù je vous écris, les artistes dramatiques les plus en vogue sont étrangers. Mlle Ungher est Allemande, Mme Schoberlechner est Russe, Mme Garcia et Nourrit sont parisiens, Mmes Spech, Schutz, Méric-Lalande, Dérancourt, Olivier, Pixis, Castellan, miss Kemble et M. Hennequin (lisez Inchindi) ne portent pas non plus des noms ausoniens (note de Liszt).