Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne sont pas perdues. Ces trois génies ont jeté de vigoureuses racines en Allemagne.

Beethoven ! Ce que je lis est-il possible ? La souscription pour le monument du plus grand musicien de notre siècle a produit en France 424 fr. 90. Quelle honte pour tous ! Quelle affliction pour nous ! Il ne faut pas qu’un tel état de choses se perpétue, n’est-il pas vrai ? Il ne faut pas qu’une lente et parcimonieuse aumône assure à Beethoven un tombeau. Cela ne doit point être, cela ne sera pas. Tu sais que j’ai pour ami le plus grand statuaire de l’Italie, Bartolini[1]. C’est un noble artiste qui a connu, lui aussi, les vicissitudes du sort et l’ingratitude des hommes. Il s’est indigné comme moi de l’injure faite à la mémoire de Beethoven, et m’a promis de se mettre immédiatement à l’œuvre. En deux ans le monument en marbre pourra être achevé. Je viens d’écrire au comité pour lui demander de clore la souscription, m’offrant à remplir le chiffre exigé. Mon intention n’est point de venir sur les brisées de personne. Je ne veux priver aucun de ceux qui ont souscrit de l’honneur de contribuer à ce monument. Je veux simplement compléter les sommes déjà réunies afin de hâter l’accomplissement de ce

  1. La sculpture contemporaine doit à M. Bartolini ses plus belles œuvres. Je citerai seulement ici la Nymphe au Scorpion, achetée par M. le prince de Beauveau ; la Fiduccia in Dio ; le Groupe de la Charité, au palais Pitti ; le monument de M. Demidoff ; celui d’Alberti, pour Santo-Croce à Florence, etc., etc. J’ai donné dans une notice biographique récemment publiée, de nombreux détails sur la vie et sur les ouvrages de Bartolini (note de Liszt).