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Oh, si tu l’avais entendu alors ! avec quelle religieuse fidélité il rendait la musique de Beethoven ! Avec quelle fermeté pleine de chaleur il maniait l’archet ! Quelle pureté de style ! Quelle vérité dans le sentiment ! Malgré le respect qu’il m’inspire, je ne pus me défendre de me jeter à son cou, et je fus heureux en sentant qu’il me pressait contre sa poitrine avec une paternelle tendresse[1].

Bientôt j’aurai quitté l’Italie. Je vais à Vienne. Le 10 novembre on y exécute le Paulus de Mendelssohn. Je veux y être. Ne viendras-tu pas aussi ? Ne feras-tu pas connaître à l’Allemagne tes symphonies qu’elle comprendra et qu’elle aimera ? L’Allemagne est leur véritable patrie. Ce sont de robustes plantes septentrionales qui veulent de fortes terres, et qui, croissant dans un sol plus léger, ne déploient point toute la richesse de leur sombre et puissante végétation. L’Allemagne est le pays des symphonistes ; c’est le tien. Partout ailleurs la mode peut les accueillir un instant ; là seulement une sympathie profonde les attend et leur demeure. Bien que l’italianisme du jour ait envahi, comme il l’a fait en France, le monde élégant étranger aux œuvres sérieuses, un public nombreux et compréhensif reste à la musique sévère. L’étude de l’art est généralement moins superficielle ; le sentiment plus vrai ; les habitudes mieux prises. Les traditions de Mozart, de Beethoven et de Weber

  1. Voilà un témoignage assez bien fait pour réhabiliter le fameux « violon d’Ingres ».