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des oracles de sagesse ; les pins de San Rossore en savent bien long sur la folie des hommes et sur l’inévitable nécessité des choses.

Durant les deux années qui viennent de s’écouler j’ai beaucoup vécu seul, ne prenant aucune part à ce que j’appellerais volontiers la mêlée musicale. Quelques concerts donnés de loin en loin, afin de ne pas oublier tout à fait mon métier, m’ont occasionnellement rapproché du monde artiste, puis je suis rentré dans la retraite. Vous m’avez reproché de vous écrire trop peu de choses sur l’état de la musique en Italie ; plusieurs raisons expliquent mon silence. Hormis la musique dramatique dont vous avez au théâtre Italien de Paris la meilleure expression, et sur laquelle je n’ai absolument rien à vous apprendre, le mouvement actuel est, à mes yeux, dépourvu d’intérêt. Les noms de plusieurs artistes isolés et découragés, les efforts de quelques amateurs distingués produisant à grand’peine l’exécution d’une belle œuvre, comme, par exemple la Création de Haydn, dans les salons du Palais-Vieux à Florence, voilà tout ce que j’avais à vous signaler, et je l’ai fait.

Décidé à parcourir successivement toutes les grandes villes de l’Italie, mais à ne me fixer dans aucune, je n’aurais pu sans folie prétendre exercer une influence durable ; il eût été insensé de vouloir agir sur les autres et de me donner une tâche qui n’eût servi qu’à me dissiper au dehors sans aucun résultat possible ! Je me suis donc borné à une