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fallacieuses, un artifice du démon dont il a trop souvent éprouvé la puissance ?

C’est ainsi que ces quatre personnages, groupés avec une inimitable simplicité autour du personnage principal, me sont apparus comme les types suprêmes de notre art ; ils résument les éléments essentiels de la musique et les effets divers qu’elle produit sur le cœur de l’homme. Le peintre a placé aux pieds de la sainte les instruments de son supplice. Est-ce afin de nous rappeler qu’il y a toujours un martyre ou visible ou caché pour le génie et pour le dévouement, ce génie du cœur ? que toujours, dans l’histoire du monde, la souffrance et l’expiation précèdent ou suivent l’initiation ?

Mais, allez-vous peut-être me dire, croyez-vous que Raphaël ait eu véritablement les intentions que vous lui prêtez ? A-t-il en effet songé à symboliser la musique, ou ne s’est-il pas tout simplement conformé aux usages du temps en suivant des instructions qui lui auront été données. À l’époque où il vivait, les communautés et les individus qui faisaient travailler les artistes étaient d’ordinaire guidés par un sentiment de piété plutôt que par l’amour de l’art. On faisait faire un tableau au Pérugin, à Raphaël, non pas tant afin de posséder un chef-d’œuvre qu’afin de satisfaire à une dévotion particulière ; aussi commandait-on jusqu’aux plus petits détails d’une composition. Habituellement ce devait être une madone ou un saint patron entouré des saints et des martyrs dont le mécène portait le