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ces clameurs, hésitait, promettait, se rétractait, et ne lui apportait qu’un appui toujours fléchissant. Le jour même de la fonte, le malheureux artiste, brisé de fatigue, dévoré de rage, brûlé par la fièvre, est contraint de se mettre au lit. Il ne peut plus surveiller l’opération. Ses instructions ne sont pas suivies. La négligence ou la mauvaise foi de ceux auxquels il se fie, va tout perdre. On vient lui dire qu’un accident irréparable est arrivé, qu’il n’est plus de ressource. À cette nouvelle, Benvenuto pousse un cri terrible, un rugissement de lion. Il s’élance hors du lit et prenant à peine le temps de se vêtir il court à la fournaise ; il voit le péril, il ordonne, il commande, il agit. La flamme presque éteinte se ravive, le métal rentre en fusion, il coule dans la forme. Huit jours après la statue s’élève sur son piédestal ; le peuple accourt ; il admire l’œuvre ; il adopte l’artiste ; les ennemis sont confondus, les amis tièdes ranimés ; la postérité a commencé pour Cellini.

Ici le parallèle devient tout à l’avantage du statuaire.

Ainsi que Cellini, Berlioz s’est vu en butte à des difficultés sans nombre. Contre lui aussi se sont levés des rivaux, impuissants de talent, mais favorisés par les circonstances. Lui aussi a été flétri par le vulgaire du nom de musicien nouveau ; lui aussi n’a rencontré que tiédeur et faiblesse parmi ceux qui ne pouvaient s’empêcher de reconnaître son génie. Berlioz, comme Cellini, lutte contre d’aveugles