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signes manifestes de la prédestination. Chose digne de remarque ! le père de Cellini veut faire de son fils un musicien ; le père de Berlioz veut faire du sien un anatomiste.

Ce serait ici peut-être la place de quelques réflexions sur l’autorité des parents et les heureuses influences exercées par les vieillards sur la jeunesse ; mais poursuivons le parallèle des deux artistes.

Pour complaire à l’auteur de ses jours, Cellini se voit contraint de jouer de la flûte. Berlioz, plus malheureux encore, s’arrache violemment au dégoût des amphithéâtres. La réprobation de ses parents le force à professer la guitare. Il gagne misérablement sa glorieuse vie et le loisir de quelques heures, qu’il consacre à l’étude de l’harmonie et de la composition.

Affranchi par la mort de son père de quel maledetto suonare (ce sont ses propres paroles), Cellini se livre entièrement à sa vocation. Il devient en peu de temps orfèvre habile, exquis ciseleur. Nous le voyons alors tour à tour attiré, caressé, repoussé, persécuté par les princes. Un pape le fait jeter au cachot ; une favorite l’abreuve d’amertume.

Aujourd’hui les papes et les favorites laissent en paix les artistes, mais la persécution est toujours là, plus latente, moins avouée. Au lieu de partir de haut, elle vient de bas. C’est de la part de ses égaux et de ses inférieurs dans la hiérarchie sociale que l’artiste se voit le plus souvent arrêté, entravé ; ce sont