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cette noble figure, grandie encore par le prestige de la nuit, me fit une singulière impression. J’étais souvent passé auprès sans m’arrêter à le considérer, cette fois je me sentis retenu par un charme invisible. Il me sembla qu’une voix mystérieuse se faisait entendre, que l’esprit de la statue me parlait. Voilà qui vous paraîtra terriblement fantastique. Ce qui est positif et réel, c’est que je m’assis sur les degrés de la loggia dei Lanzi et que je me mis à songer.

L’histoire de Persée est un des beaux mythes de la poésie grecque. Persée est un de ces glorieux champions restés vainqueurs dans la lutte du bien et du mal. Persée, c’est l’homme de génie, l’être mixte né du commerce d’un dieu et d’une mortelle. Ses premiers pas dans la vie sont des combats. Il tue la Gorgone ; il tranche la tête de Méduse, la force inerte, l’obstacle brutal qui s’élève toujours entre l’homme puissant et l’accomplissement de son destin. Il s’élance sur le cheval ailé, il possède son génie ; il délivre Andromède ; il va s’unir à la beauté, éternelle amante du poète ; mais ce ne sera pas sans de nouveaux combats. La lutte recommence, et comme Persée est fils de la femme, qu’il est homme autant que Dieu, il est sujet à la faute. La fatalité reprend ses droits. Il tue le père de Danaé : la douleur et le remords pèsent sur son front. Il est tué à son tour par Mégapenthe, vengeur d’Acrisius. Après sa mort les nations lui élèvent des autels.