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très vif et souvent une émotion qui allait jusqu’aux larmes, un amateur, le baron de Schönstein, dire les lieder de Schubert. La traduction française ne nous donne qu’une idée bien imparfaite de ce qu’est l’union de ces poésies presque toutes extrêmement belles, avec la musique de Schubert, le musicien le plus poète qui fut jamais. La langue allemande est admirable dans l’ordre du sentiment ; peut-être aussi n’y a-t-il qu’un Allemand qui sache bien comprendre la naïveté et la fantaisie de plusieurs de ces compositions, leur charme capricieux, leur abandon mélancolique. Le baron de Schönstein les déclame avec la science d’un grand artiste, et les chante avec la sensibilité simple d’un amateur qui se laisse aller à ses émotions sans se préoccuper du public. Un des meilleurs souhaits que je puisse vous faire, mon ami, c’est que vous alliez à Vienne, ou qu’il aille à Paris, et que nous ayons alors le bonheur de l’entendre ensemble.

Ne me demandez rien de plus sur Vienne, je ne saurais vous parler ni des hommes que je n’ai vus qu’à la hâte, ni des choses que je n’ai point vues du tout ; toujours entouré d’excellents amis qui ne s’occupaient que de moi, toujours obsédé par le bruit de ma propre musique, toujours à la veille ou au lendemain d’un concert, j’y ai vécu d’une façon beaucoup trop excentrique pour avoir le droit d’en dire autre chose, si ce n’est que j’emporte les meilleurs souvenirs de mon séjour et le regret qu’il ait été de si peu de durée.