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ces larges poitrines. Ces fronts altiers ne sont point faits pour l’ignorance et la servitude. Plus heureux que d’autres, leur intelligence n’a point été éblouie de lueurs trompeuses ; ils n’ont point égaré leurs pieds dans de fausses voies ; leur oreille n’a point écouté de faux prophètes. On ne leur a point dit : « Le Christ est ici, il est là… » Ils dorment… mais qu’une voix puissante les réveille, oh ! comme leur esprit s’emparera de la vérité ! comme ils lui feront dans leur poitrine un redoutable asile ! comme leurs bras nerveux sauront la défendre ! Un glorieux avenir les attend, parce qu’ils sont bons et forts, et que rien n’a usé leur volonté, ni fatigué vainement leur espérance. Ô ma sauvage et lointaine patrie ! ô mes amis inconnus ! ô ma vaste famille ! un cri de ta douleur m’a rappelé vers toi ! mes entrailles se sont émues de compassion, et j’ai baissé la tête, honteux de l’avoir si longtemps oubliée… Pourquoi donc un destin sévère m’arrête-t-il ? — Un autre cri de souffrance, un accent affaibli mais tout puissant sur moi me fait tressaillir. C’est la voix qui m’est chère, la seule qui ne m’appela jamais en vain… Je m’éloigne encore, ô ma patrie regrettée ! mais cette fois ce n’est plus avec l’insoucieux contentement de l’enfant qui court au devant de la nouveauté, cette fée charmante qui le séduit et le trompe ; c’est avec le cœur troublé, les yeux obscurcis, car je sais maintenant combien de pieux vouloirs, de nobles résolutions, ont été émoussées par le froissement d’une