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« J’ai rencontré au désert le chacal, le vautour, la hyène et le crocodile ; — dans les sociétés humaines, le tyran, les esclaves, le bourreau et le parricide.

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« Jusqu’ici tout est vain ; j’aspire, je pressens ; mais rien n’apparaît encore ; j’ignore si depuis tant de temps je me suis rapproché du terme de ma course. La force qui me pousse reste muette, elle ne m’enseigne point ma voie.

« Parfois la brise qui traverse les mers m’apporte d’ineffables harmonies ; je les écoute avec ravissement mais aussitôt que j’imagine les entendre plus près de moi, elles s’éteignent dans le bruit discordant du travail des hommes.

« Parfois aussi, aux derniers feux du jour, les nuages blancs qui ceignent les monts se colorent de teintes transparentes. Leurs nuances indécises se modifient incessamment en s’unissant l’une à l’autre, et produisent un indescriptible mouvement de couleur et de lumière. On dirait des milliers d’âmes se transfigurant et remontant vers les cieux. Mais le soleil qui descend derrière la montagne rappelle à lui ces magnifiques rayons ; les nuages redeviennent épais, lourds, opaques… et je recommence à marcher dans ma désolation et mon incertitude.

« Si c’est une puissance ennemie qui me harcèle et me tourmente, pourquoi ces rêves divins, ces inexprimables voluptés du désir ? si c’est une volonté