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lande aride dont aucun arbre n’interrompait la monotone étendue, qu’aucune brise ne rafraîchissait, et qui souffrait immobile, sous le poids d’un jour terne et brûlant. La nature prenait à mes yeux un aspect lugubre. Un oiseau de plumage sombre, à la tête hideuse, traversa l’espace, et rasant mon visage, il poussa un sifflement aigu : c’était un cri de malédiction et d’ironie. Une invincible terreur s’empara de moi : je me laissai tomber sur la terre desséchée, et je crus que j’allais mourir. Faisant alors un dernier effort, j’appelai… qui ? Celui que je ne connaissais point. Je le nommai cependant, mais ce nom, je ne m’en suis point souvenu. Lui, se tournant un instant vers moi me regarda de loin avec compassion ; puis, sans proférer une parole, il continua sa route. Me voyant ainsi abandonné, je poussai des cris désespérés, des hurlements de rage ; mon pied se heurtait à la faucille d’un moissonneur, je la saisis, et j’allais m’en frapper, quand l’inconnu s’arrêta encore. Cette fois, je me crus sauvé, je crus qu’il se laisserait toucher par mes supplications et mes ardentes prières. « Oh ! qui que tu sois, lui criai-je, être incompréhensible qui me fascines et qui m’absorbes tout entier, dis-moi, dis-moi qui tu es ? D’où viens-tu ? Où vas-tu ? Quel est le but de ta course, l’objet de ta poursuite, le lieu de ton repos ?… es-tu le condamné que frappe une irrévocable sentence ? es-tu le pèlerin plein d’espoir qui marche avec ardeur vers un séjour de paix et de bénédiction ? »