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leur enveloppement oriental, — en isolant, — en individualisant pour ainsi dire les sciences et les arts, a sans contredit grandement concouru à leurs progrès et hâté leur perfection. Toutefois, pourquoi craindrions-nous de l’avouer ? Cette civilisation, d’ailleurs si féconde en prodiges, a entraîné aussi et cela d’une manière fatale en quelque sorte, de graves inconvénients et un singulier désordre.

À force de diviser, de délimiter, de catégoriser (choses utiles et nécessaires sans doute), à force même de poursuivre des améliorations partielles et de pousser presqu’à l’excès le perfectionnement des détails, nous nous sommes laissés tomber dans un inconcevable oubli des rapports originels, et les lois primordiales ont été comme effacées de notre entendement.

Pendant de longs siècles, la politique, l’art et la science furent considérés comme radicalement opposés, sinon ennemis. Les représentants de ces trois grandes puissances sociales se séparèrent. Dans leur docte et superbe égoïsme, les savants et les artistes ne sentaient guère le besoin de s’enquérir les uns des autres. Chacun se contenta de labourer son champ et de récolter sa moisson. Les politiques, de leur côté, affectèrent un égal dédain pour le mathématicien et le poète, l’idéologue et le musicien ; ils n’avaient que faire de tous ces songe-creux parasites !… Et ainsi, divisés d’opinions, d’intérêts et de croyances, en s’évitant mutuellement, en étouffant les besoins communs qui devaient tout