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majorité. Effectivement je ne parvins point à faire goûter du public l’idée baroque que j’avais eue de jouer ailleurs que dans ma chambre une étude, dont le but apparemment devait être de me délier les articulations et de m’assouplir les dix doigts. Aussi ai-je regardé comme preuve d’une bienveillance toute particulière la longanimité de l’assemblée à m’écouter jusques au bout.

Une autre fois j’exécutai dans la salle du Ridotto le septuor de Hummel. La marche régulière de ce morceau, la majesté de son style, la clarté et le relief des idées en rendent la compréhension aisée. Les passages qui terminent chacune de ses parties sont d’ailleurs d’un effet immanquable. Aussi ce chef-d’œuvre fut-il accueilli avec une faveur marquée. — J’aurais aimé ne point m’arrêter là et faire entendre successivement au public milanais les trios de Beethoven, plusieurs œuvres de Weber, de Moschelès, etc. ; mais, outre que le temps manqua, il eût été peut-être bien imprudent de faire retentir leurs sauvages et septentrionales beautés à des oreilles bercées aux sensations sensualistes, les accents des Bellini, des Donizetti, des Mercadante. L’Allemagne a bien pu donner ses lois à la Lombardie ; quant à sa musique, il s’écoulera des années encore avant qu’elle y soit acceptée. Les baïonnettes imposent des lois ; elles ne sauraient imposer des goûts.

Afin d’égayer un tant soit peu mes concerts auxquels on reprochait d’être toujours trop sérieux.