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Moretto ; à Vérone aux tombeaux des Scaligeri ; à Vicence aux palais de Palladro ; à Padoue aux bas-reliefs de Donatello. Sans s’en douter, il est resté des semaines entières en extase devant ces chefs-d’œuvre, et ne m’apporte qu’aujourd’hui, 15 avril, avec un empressement bien louable, votre lettre du 4 février. Je vous fais passer mes remerciements de tout ce que vous y dites de flatteur pour moi, par l’entremise d’un autre ami qui repart à l’instant pour la France. Mais quoi ! Celui-ci est un naturaliste enragé ; Dieu sait ce qu’il analysera d’anémones et de saxifrages en repassant les Alpes ! Qui peut deviner combien de jours, de mois et d’années un lychen, une mousse, un criquet le retiendront sur le versant du Stelvio ou sur la croupe du St-Gothard ? D’ici là :

Le roi, l’âne ou moi nous mourrons.

N’importe : causons comme s’il n’y avait entre nous ni temps ni espace ; causons par l’entremise des sylphes, des gnomes, des ondines et des follets, vos cousins germains et quelque peu mes parents aussi, si je ne m’abuse. Quand cette lettre vous arrivera, si elle vous arrive, ils vous auront dit depuis longtemps à l’oreille tout ce qu’elle contiendra et davantage encore.

Sachez d’abord, ce qui ne vous étonnera guère, que la vôtre n’est pas restée plus d’un quart d’heure entre mes mains ; elle m’est échappée sans que je m’en aperçoive, et avant la fin du jour, tout le