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théâtre la splendeur et l’éclat des plus beaux jours… Rossini et Nourrit sont encore dans toute la vigueur de l’âge. Qu’un nouveau chef-d’œuvre sorte tout armé de la tête olympienne de l’un, l’autre est là pour s’en emparer et pour le transmettre à la foule, pour ajouter l’art à l’art, la lumière a la lumière, la flamme à la flamme. Le prêtre attend que le dieu parle. Mais n’apercevez-vous pas sur les lèvres du dieu un indescriptible sourire ? Le sourire ne dénote-t-il pas le plus aimable dédain pour la gloire qui s’achète par la fatigue, et l’appréciation philosophique de ce que valent les caresses de la multitude ? Le front dominateur ne vous semble-t-il pas comme ennuyé du travail de la pensée ? Les yeux où brillent par intervalles de si vifs éclairs de génie, n’expriment-ils pas le plus souvent l’insouciante quiétude d’un bienêtre pleinement goûté ?

Rossini, revenu à Milan, séjour de sa première jeunesse, jeunesse si exubérante, si amoureuse, si abandonnée à tous les vents des folles joies, Rossini, devenu riche, paresseux, illustre, a ouvert sa maison à ses compatriotes, et durant tout l’hiver ! une société nombreuse a rempli ses salons, j’empressée à venir rendre hommage à l’une des plus grandes gloires de l’Italie. Entouré d’un essaim de jeunes dilettanti, le maëstro prenait plaisir à leur faire étudier ses plus belles compositions ; amateurs et artistes, tous se faisaient honneur d’être admis à ses concerts. À côté de