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divertir à très peu de frais ; ils n’entendent payer pour entrer à la Scala que la modeste somme de trois zwanziger (2 fr. 60), et pour cette somme ils exigent habituellement un opéra et deux ballets. Vous jugez si l’entrepreneur est bien en fonds, et peut rivaliser avec ceux de Paris et de Londres pour les engagements des premiers sujets ! On en est donc réduit ou aux jeunes talents qui ne donnent que des espérances, ou aux vieux talents qui ne donnent pas même des regrets.

Je vous ai déjà dit un mot des ballets. Tout cet hiver Ali-Pacha a fait régulièrement sauter la forteresse de Janina, après une pantomime d’une heure et demie aussi ennuyeuse qu’absurde : un joli pas de Mlles Varin et Essler rompait seul l’affreuse monotonie de ces rébus de gestes. La première surtout, par sa grâce décente et la noblesse de sa danse, rappelait parfois la sylphide Taglioni. Les décorations si célèbres du temps de Sanquirico, sont devenues extrêmement médiocres. Pour le jeu des machines et des effets de perspective, on ne saurait même de bien loin comparer le théâtre de Milan à l’Opéra de Paris.

En résumé et lecture faite du procès-verbal, vous concluez, et vous avez raison de conclure, que la Scala est dans un état de décadence dont il est impossible de prévoir le terme. Pourtant il n’y a pas plus d’un mois, vous eussiez pu voir dans une loge d’avant-scène deux hommes qui, par le concours de leurs volontés, pourraient rendre à ce