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baryton, sont des chanteurs utiles, mais qui, pas plus l’un que l’autre, ne se sont jamais doutés de ce que c’était qu’étudier un rôle, le déclamer, le créer enfin comme nous disons en France avec toute raison, surtout quand nous parlons de notre unique Nourrit.

Lucio Pappone est un de ces bouffes napolitains qui possèdent au plus haut degré le comique naturel, comique d’instinct qui n’a rien d’intelligent ni de philosophique, mais qui vous provoque incessamment au rire le plus franc, le plus bête, et par conséquent le plus salutaire. Jamais un étranger n’imitera la volubilité de paroles, le geste animé, la contorsion significative des Italiens ; jamais il n’approchera de cette incroyable confusion de grimaces ; c’est à désespérer les mâchoires les plus dociles et les articulations les plus souples. Si je ne craignais que vous ne me reprochassiez mes citations par trop gastronomiques, je vous dirais, en parodiant un vers célèbre, qu’en Italie on naît bouffon ; qu’en France on devient acteur comique.

Vous voyez, d’après cela, combien peu le droit que se croient les Milanais d’avoir toujours un spectacle de premier ordre est respecté par le fait. Il n’est guère possible de se faire illusion sur les chances d’amélioration des années suivantes : c’est encore ici comme partout une simple question d’argent. Les Italiens veulent bien se divertir, mais ils ont la très mauvaise habitude de vouloir se