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Malibran et des Pasta, qui donnent à une seule note, à la phrase la plus commune, un accent irrésistible, lui sont inconnus ; jamais dans son jeu ni dans son chant cet imprévu qui vous saisit, ce touchant abandon qui, à force d’art, fait disparaître l’art. Dans les rôles de la Schoberlechner, tout est su à l’avance ; tout est bien appris, rien n’est spontanément créé ; c’est toujours suffisant, jamais remarquable ; on trouve presque toujours que cela est bien, on ne sent presque jamais que cela est beau.

La Brambilla qui remplit les rôles de contralto, est une jolie personne ; il y a dans sa voix de belles notes sinistres qu’elle gâte souvent en les forçant ; sa méthode ou plutôt sa manière, est hésitante, incertaine ; elle n’est pas maîtresse de son art ; elle ne manque pourtant ni de tendresse, ni de pathétique ; mais le plus habituellement elle est comme embarrassée de ses moyens. Quelqu’un disait qu’elle était toujours à la veille d’avoir un très beau talent ; on ne saurait en effet mieux exprimer l’impression toujours incomplète et vacillante qu’elle produit sur le public.

Vous savez que Pixis est un vieil et excellent ami à moi ; ne me demandez donc point un jugement impartial sur le talent de sa fille adoptive. Une femme d’esprit disait de l’un de nos plus ingénieux critiques qu’elle ne lui connaissait d’autre défaut que celui d’être trop impartial pour ses amis ; il se trouve que tout au contraire, moi, je