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La prima donna, Mme Schoberlechner est aimée du public, qui lui sait gré du zèle avec lequel elle a soutenu presque à elle seule le poids de toutes ces médiocrités : douée d’une mémoire imperturbable, de robustes poumons et d’une volonté non moins robuste, elle est toujours prête à tout ; jamais un rhume, jamais une migraine, jamais rien qui s’oppose à l’exécution de ses engagements. Loin de se ménager comme tant d’autres dans les morceaux d’ensemble, afin de paraître avec plus d’avantages dans les duos et les cavatines, elle donne, elle prodigue sa voix partout où il en est besoin ; quatuor, quintetti, chœurs, c’est elle qui anime tout ; sa voix c’est la clef de voûte de l’édifice musical : aussi est-elle arrivée à la fin de la saison, haletante, épuisée, demandant grâce, car sa poitrine ne suffisait plus à remplir l’immense salle qui, en vrai minotaure paraît destinée à dévorer tous les ans deux ou trois cantatrices. Mme Schoberlechner est une chanteuse utile plutôt qu’une grande chanteuse ; son organe bien que fort et étendu, manque d’éclat ; sa déclamation est monotone. L’habitude de certains effets d’exagération, peut-être imposée par le goût du public, et la grandeur de la salle lui fait négliger la grâce des détails, la délicatesse des nuances, ce fini parfait qui, souvent perdu pour la foule, établit pourtant à la longue la réputation des grands artistes. Mme Schoberlechner ne fait, pour ainsi parler, que dégrossir ses rôles ; ces divins secrets des