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y a dans cette coutume je ne sais quoi d’indélicat, de rude, qui blesserait à coup sûr le sentiment exquis que nous avons en France de certaines convenances, mais qui, en Italie, ne choque personne et paraît ressortir nécessairement des rapports de l’artiste avec le public. Lorsque l’opéra fait furore, le maëstro est bruyamment rappelé sur la scène. À la fin de chaque acte, les cris de fuori, fuori, retentissent dans toute la salle ; on bat des mains, on tape des pieds, on crie, on hurle, jusqu’à ce que le malheureux triomphateur se soit montré hors de la coulisse, et que les yeux baissés, la main sur le cœur, il ait exprimé par une ridicule pantomime une plus ridicule humilité. Après qu’il a comparu seul une première fois, il revient d’ordinaire tenant par la main la prima donna, puis enfin une troisième fois avec tous les chanteurs : alors les applaudissements, les clameurs, les hourras redoublent ; le maëstro ne sait plus quelle contenance faire : les trois quarts du temps les leçons de danse ont été oubliées dans son éducation, de sorte que ses révérences sont gauches, sa démarche mal équilibrée, ses gestes stupides. On dirait souvent un garçon limonadier qui demande pardon d’avoir cassé une carafe, plutôt qu’un fier triomphateur qui vient recevoir des couronnes. Nous ne nous faisons pas idée en France de cette manie qu’a le public italien d’appeler les artistes sur la scène. Quand nous les rappelons une fois, tout est dit. En Italie un artiste aimé est rappelé communément dix ou douze