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quelle verve, quelle vérité, quelle grâce doivent avoir des morceaux ainsi composés par ordre supérieur et sous l’invocation du commissaire de police. Les conditions du marché passé entre l’entrepreneur et le maëstro ne sont pas les mêmes que chez nous ; ce dernier reçoit une somme fixe proportionnée à sa renommée ; cette somme reçue il n’a plus aucun droit ni sur la partition ni sur les représentations ; le succès ou la chute ne regarde plus que son amour-propre et non sa bourse ; il ne risque point, ainsi qu’en France, de ne rien recevoir de son travail ; c’est l’entrepreneur seul qui court les chances de la bonne et de la mauvaise fortune. Peut-être cet intérêt beaucoup moins direct de l’auteur au succès n’est-il pas sans quelque influence sur la négligence et le laisser aller de son travail. Il faut toutefois excepter Mercadante de ce reproche très juste pour la masse des maëstri ultramontains : il écrit avec une sage lenteur et revoit avec soin ses compositions ; aussi ses opéras sont-ils sans comparaison les plus corrects et les mieux instrumentés de tous ceux que j’ai entendus en Italie.

Durant les trois premières représentations, il est d’usage que le maëstro se tienne debout à une place marquée de l’orchestre ; il est obligé d’assister en personne à l’épreuve fatale ; il faut qu’il affronte d’un visage impassible les huées et les sifflets, ou qu’il remercie le public par une inclination respectueuse des marques d’approbation qu’il en reçoit. Il