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dont ils ne veulent pas ; ils ont peur de tout ce qui demande la moindre attention, le plus léger effort d’esprit ; il leur faut en musique de belles plaines ouvertes de toutes parts comme la Lombardie, des prairies émaillées riant au soleil ; point de monts escarpés, point de précipices ; le chant de l’alouette et non le cri de l’aigle ; le murmure du zéphir qui se brise dans le maïs et non le frémissement des autans dans la forêt vierge. Tout ce qui dans la sphère de l’art répond au sentiment dont Hamlet, Faust, Childe-Harold, René, Obermann, Lélia sont les types immortels est pour eux un langage étrange, barbare, qu’ils repoussent avec horreur. Beethoven, Weber, je dirais même Mozart leur sont connus… de nom ; Rossini, le grand maître qui avait à sa lyre toutes les cordes, n’a guère touché pour eux que la corde mélodique ; il les a traités en enfants gâtés ; il les a amusés, comme ils voulaient être amusés. Ce qu’il n’a pas tenté, qui pourra le faire ?

Vous savez déjà avec quelle rapidité s’écrivent les opéras destinés à la scène italienne : on dirait qu’il y a un procédé de fabrication connu à l’avance, et qu’il ne faille que le temps matériel de mettre les notes sur le papier. L’inspiration ou la réflexion paraissent si peu nécessaires à la composition d’un opéra, que dernièrement un maëstro se trouvant en retard avec l’entrepreneur de la Scala, celui-ci le fit consigner dans sa chambre et garder à vue jusqu’à ce qu’il eût achevé son travail. On se figure