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qui rompt à chaque instant l’entretien, à peu près comme un frelon rompt une toile d’araignée, rend impossible toute discussion sérieuse ; pourtant, il faut encore chercher ailleurs, je crois, les motifs premiers de cette disette de conversation, dont se lamentent les Milanais eux-mêmes. Pour faire un pâté de perdrix, prenez des perdrix, a dit l’esprit le plus logique de notre temps : pour faire une conversation, ayez d’abord des sujets de conversation ; or, lesquels trouver dans un pays qui n’a ni mouvement politique, ni mouvement littéraire, ni mouvement artistique ? Retranchez tout d’un coup de Paris les discussions parlementaires, la publication des livres nouveaux, des revues et des journaux ; fermez tous les théâtres, sauf l’Opéra ; supposez un instant que nos grands artistes cessent de produire, ne pensez-vous pas que la conversation si vantée des salons de Paris recevrait une atteinte mortelle ? N’est-ce pas à ce vide dans les choses qu’il faut attribuer le vide dans les discours ? La fréquentation du théâtre ne doit-elle pas être considérée plutôt comme une conséquence que comme une cause ; plutôt comme une nécessité occulte que comme un choix fâcheux ; et ne devrions-nous pas, au lieu de le blâmer, admirer l’instinct d’une population qui se presse en masse vers la seule proie laissée a son activité, dans le seul cercle où sa pensée ait pleine liberté de s’exercer ?

Toutes les classes de la société s’intéressent à ce