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le Baradello, où les Tomasques luttèrent si souvent contre d’illustres brigands, les Visconti et les Sforza. Et si nous nous rapprochons des temps modernes, nous trouvons la villa d’Este, où s’est perpétuée la mémoire aimée de la princesse de Galles et le palais où demeura Napoléon Bonaparte, ce jeune homme pâle et frêle qui vint dans ces contrées prendre, avec l’épée de César, la couronne de Charlemagne.

Le soir nous nous donnons le divertissement de la pêche au flambeau. Armés d’un long harpon, véritable trident de Neptune, nous glissons sur les eaux, épiant le poisson endormi ou ébloui par l’éclat de la torche qui brûle sur le devant de notre barque. On entend de tous côtés le son des clochettes, que les pêcheurs attachent la nuit à leurs filets, afin de les retrouver plus facilement quand le courant les entraîne. Ce son, qui s’allie toujours pour nous à l’idée des troupeaux, fait une impression singulière lorsqu’il vient à nous du sein des eaux. On dirait que l’on va voir apparaître les troupeaux sous-marins de Glaucus, et quelque vision de ce genre n’étonnerait point trop dans un pays où la fantaisie est si naturellement surexcitée.

Mais, adieu, mon ami, voici plus de cinq minutes que je ne sais ce que j’écris. J’entends sous mes fenêtres une délicieuse harmonie ; trois admirables voix chantent sans accompagnement le trio de Guillaume Tell ; je demande quels sont ces grands artistes ; on me dit que ce sont les comtes Belgiojoso,