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qu’à une cérémonie du culte du vrai Dieu. Malgré la réputation faite aux gosiers italiens, je n’ai point encore entendu chanter juste dans ce pays, si ce n’est pourtant à trois jeunes filles que nous surprîmes ces jours passés chantant en partie, dans leur dialecte un peu rude, de ravissantes mélodies. Je voulus en noter quelques-unes pour vous les envoyer, et nous les priâmes de recommencer. Elles hésitèrent longtemps, se regardant l’une l’autre d’un air moitié confus, moitié espiègle, jusqu’à ce qu’enfin la plus jeune, moins timide ou plus friande de gloire, entonna de tous ses poumons la chanson nationale Barbarin, speranzo d’oro ; les autres la suivirent. Nous ne nous lassions pas de les regarder, ces trois belles jeunes filles au teint pâle, aux grands yeux noirs assez écartés, aux dents d’ivoire, de vrais types de Luini. La coiffure universellement adoptée dans le pays par les femmes de la classe ouvrière est on ne saurait plus pittoresque : elles rassemblent leurs cheveux en tresses sur le derrière de la tête, et les attachent avec de longues épingles d’argent formant éventail. Ces épingles coûtent quelquefois jusqu’à 50 et 60 francs ; ce sont les épargnes de plusieurs années. Mais les coquettes regarderaient comme une honte de renoncer à cet agrément, qui d’ailleurs sied à merveille à leur visage et à leur brune chevelure.

Nous passons la plus grande partie des journées en barque, à parcourir les bassins d’aspects si divers que forment les montagnes en se rapprochant et en