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l’amour, mais comme l’idéal de la science. Je n’aime point à trouver, dans ce beau corps transfiguré, l’esprit d’une docte théologienne, expliquant le dogme, réfutant l’hérésie, discourant sur les mystères. Ce n’est point par le raisonnement et la démonstration que la femme règne sur le cœur de l’homme ; ce n’est point à elle à lui prouver Dieu, mais à le lui faire pressentir par l’amour, et à l’attirer après elle vers les choses du ciel. C’est dans le sentiment et non dans le savoir, qu’est sa puissance : la femme aimante est sublime ; elle est le véritable ange gardien de l’homme ; la femme pédante est un contresens, une dissonance, elle n’est nulle part à sa place dans la hiérarchie des êtres.

J’avais joui jusqu’à cette heure du plus profond incognito à Bellaggio, bien que je frappasse à bras raccourcis sur un piano de Vienne, en deuil de presque toutes ses cordes ; personne n’imaginait d’y faire la moindre attention, ni de soupçonner en moi autre chose qu’un amateur doué d’un assez robuste poignet. Mais aujourd’hui, en rentrant au logis, je rencontre le commissaire de police qui me salue ; mon hôte s’informe avec sollicitude si je suis content de mon dîner, et je m’aperçois qu’en me rasant mon barbier Gerompino fait mousser son savon d’un air plus important et plus respectueux tout à la fois que d’ordinaire. J’ai bientôt le mot de cette énigme. En parcourant la gazette de Milan, j’v vois que l’ami Ricordi, désireux de vendre mes