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d’austères symboles d’une destinée qui s’accomplit, toujours menacée dans l’ombre d’une fatalité irrévocable. Mais ici, sous un ciel bleu, dans une molle atmosphère, le cœur se dilate, et les sens s’ouvrent à toutes les joies de l’être. Des montagnes partout accessibles nous appellent sur leurs cimes verdoyantes ; une riche culture a fécondé leurs pentes ; le châtaignier, le mûrier, l’olivier, le maïs et la vigne promettent l’abondance. La fraîcheur des eaux tempère l’action d’un soleil ardent ; aux jours splendides succèdent les voluptueuses nuits. L’homme respire librement au sein de cette nature amie ; l’harmonie de ses rapports avec elle n’est point troublée par des proportions gigantesques ; il peut aimer, il peut oublier et jouir, car il semble ne faire que prendre sa part de la félicité universelle. Oui, mon ami, si vous voyez passer dans vos rêves la forme idéale d’une de ces femmes dont la beauté d’origine céleste n’est point un piège pour les sens, mais une révélation pour l’âme ; si près d’elle vous apparaît un jeune homme au cœur droit et sincère, imaginez contre eux une touchante histoire d’amour, et commencez-la par ces mots : Sur les rives du lac de Came.

Vers le milieu du lac, à l’endroit où il se sépare en deux branches dont l’une s’étend jusqu’à Lecco, et l’autre vient mourir à Côme, le joli village de Bellaggio s’élève en amphithéâtre. Et d’abord remarquez l’euphonie de ces noms d’origine grecque. Vous autres Parisiens, quand la salle des