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À Sesto-Galende, monsieur le commissaire de police me retient trois jours pour je ne sais quelle formalité qui manque à mon passeport. On fouille nos malles, elles sont dans l’orthodoxie. Décidément rien n’était moins joli qu’un douanier autrichien à l’ombre d’un olivier ; et Bernardin de Saint-Pierre lui-même aurait eu grand’peine à rencontrer les harmonies de ces deux créations providentielles. Il est bien entendu que je suis au point de vue purement pittoresque, et ne prétends rien inférer de là qui soit contraire aux droits de S. M. l’empereur d’Autriche. Je croirais manquer à la reconnaissance si je ne faisais ici mention du vetturino qui nous a conduits de Genève à Milan. On ne saurait en vérité entrer en Italie sous de plus joyeux auspices. D’une politesse exquise avec le nostre excellenze, toujours chantant, riant, apostrophant tour à tour les maledette mosche et les jolies filles, mime parfait, charlatan consommé, Salvadore Bellatella est l’idéal des vetturini. Puisse la rosée du ciel descendre sur le foin dont il nourrit ses coursiers poitrinaires ! Puissent les échos de la Lombardie répéter durant longues années le gai refrain de sa chanson :

Siamo vetturini, siamo, siamo,
In ogni paës una ragazz’ abbiam’ abiamo.

Milan. — J’arrive. Vous pensez que je cours voir le Dôme, le Musée, la Bibliothèque ? eh, mon Dieu, non ! rien de tout cela. Je ne lis point Valery ; j’ignore absolument comment on voyage avec fruit