les maladies qui règnent durant un certain temps dans l’atmosphère, et se prennent sans cause comme avec l’air que l’on respire ?
La Grande-Chartreuse, ce nom ne renferme-t-il pas, dans son morne mystère, la pensée vague et indéfinie de tout ce que l’ascétisme chrétien enfanta durant plus de dix siècles ? Les saintes folies, les tortures volontaires, les martyres obscurs, les renoncements obstinés, toute cette muette et sombre protestation contre le règne de Satan, cette réaction mystique contre les voluptés charnelles, ne semblent-ils pas évoquer les pâles fantômes de ces solitaires, connus de Dieu seul, qui traversèrent la vie, les yeux fixés sur une tombe, courbant leur volonté sous une règle de fer, et s’absorbant tout entiers dans l’âpre et sauvage aspiration d’un monde incompréhensible ?
Jadis on ne parvenait à la retraite de saint Bruno que par un sentier étroit, escarpé ; les pieds se déchiraient aux ronces comme pour préparer le cœur à se déchirer dans la pénitence ; aujourd’hui la civilisation, qui triomphe de tout, a aplani les saintes voies : une route a remplacé l’abrupt sentier ; avant un an c’est en voiture que l’on se rendra à la Grande-Chartreuse.
Nous montons par une pente adoucie, au bord d’un torrent, toujours ombragée de sapins, de