souvent nié par toute une moitié de son siècle. Loin de là, les circonstances les plus favorables ont accueilli les chants de Lamartine.
Chateaubriand avait glorieusement instauré en France une littérature nouvelle ; il avait fait jaillir du christianisme une poésie inconnue ou plutôt oubliée. En faisant résonner simultanément ces deux cordes éternellement vibrantes dans l’humanité, l’amour et la religion, il avait trouvé de célestes harmonies qui tenaient les âmes captives ; mais l’étrangeté pompeuse de son style, le luxe peut-être immodéré de sa couleur, le romantisme de sa manière, pour me servir d’une expression du temps, soulevèrent d’innombrables et âpres critiques. En choisissant d’ailleurs comme héroïnes Atala, la libre fille des Natchez, Velléda la druidesse couronnée de gui ; en plaçant ses amants sur les rives du Meschacebé, dans les forêts de l’Amérique, il déroutait une vaste classe de lecteurs dont l’intelligence est peu voyageuse, qui, selon le précepte du sens commun, préfère le connu à l’inconnu, veut jouir sans effort et se reconnaître sans peine sous les traits du personnage qu’on lui présente. Il est un degré d’innovation que l’on ne dépasse pas sans danger. Le poète peut bien, à force de génie, entraîner le lecteur quelque peu au delà du terme accoutumé ; mais s’il veut se jeter hardiment dans des routes non frayées, franchir des espaces inconnus, celui-ci s’étonne, se lasse, et finit par l’abandonner dans le désert. Lamartine eut le don