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meilleur lui soit montrée, afin qu’il se tienne prêt et que l’espérance fasse germer en lui de hautes vertus ; il faut surtout que la lumière descende ; de tous côtés dans son esprit, que les douces joies de l’art s’asseyent à son foyer, afin qu’il connaisse, lui aussi, le prix de la vie, et ne soit jamais féroce dans ses vengeances, impitoyable dans ses arrêts.

J’eus le bonheur à Lyon de retrouver Nourrit[1], cet artiste éminent dont le talent est perdu pour l’opéra de Paris, mais qui est destiné à exercer une grande et favorable influence partout où il se produira, quel que soit le mode d’action qu’il choisisse. Ses croyances et ses sympathies nous feront indubitablement rencontrer un jour dans les mêmes voies, et j’ai regardé comme un heureux présage le hasard qui m’a fait lui serrer la main à la dernière limite française de mon voyage. Une amie commune, Mme Montgolfier, nous réunissait journellement. Les Lieder de Schubert qu’il dit avec tant de puissance, nous jetaient dans des accès d’enthousiasme qui se communiquaient de proche en proche à notre petit auditoire. Un soir pendant qu’il récitait l’Erlkônig, M…[2], qui comprend Schubert et Goethe dans ce qu’ils ont de plus profond et de plus sublime, prit un crayon et écrivit sur une feuille d’album une espèce de traduction libre, de paraphrase, que je vous envoie ici, pour

  1. Adolphe Nourrit (1801-1837), célèbre ténor de l’Opéra.
  2. Probablement Marie, c’est-à-dire la comtesse d’Agoult.