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pianos à deux ou trois claviers, qui achèveront sa conquête pacifique. Toutefois, bien que nous manquions encore de cette condition essentielle, la diversité dans la sonorité, nous sommes parvenus à obtenir des effets symphoniques satisfaisants, et dont nos devanciers n’avaient point l’idée ; car les arrangements faits jusqu’ici des grandes compositions vocales et instrumentales accusent, par leur pauvreté et leur uniforme vacuité, le peu de confiance que l’on avait dans les ressources de l’instrument. Des accompagnements timides, des chants mal répartis, des passages tronqués, de maigres accords, trahissaient plutôt qu’ils ne traduisaient la pensée de Mozart et de Beethoven. Si je ne m’abuse, j’ai donné, en premier lieu dans la partition de piano de la Symphonie fantastique, l’idée d’une autre façon de procéder. Je me suis attaché scrupuleusement, comme s’il s’agissait de la traduction d’un texte sacré, à transporter sur le piano, non seulement la charpente musicale de la symphonie, mais encore les effets de détail et la multiplicité des combinaisons harmoniques et rythmiques. La difficulté ne m’a point rebuté. L’amitié et l’amour de l’art me donnaient un double courage. Je ne me flatte pas d’avoir réussi ; mais ce premier essai aura du moins cet avantage que la voie est tracée, et que dorénavant il ne sera plus permis d’arranger les œuvres des maîtres aussi mesquinement qu’on le faisait à cette heure. J’ai donné à mon travail le titre de Partition de piano, afin de rendre plus