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et cette popularité, il les doit en partie, à la puissance harmonique qu’il possède exclusivement ; et, par suite de cette puissance, à la faculté de résumer et de concentrer en lui l’art tout entier. Dans l’espace de ses sept octaves, il embrasse l’étendue d’un orchestre ; et les dix doigts d’un seul homme suffisent à rendre les harmonies produites par le concours de plus de cent instruments concertants. C’est par son intermédiaire que se répandent des œuvres que la difficulté de rassembler un orchestre laisserait ignorées ou peu connues du grand monde. Il est ainsi, à la composition orchestrale, ce qu’est au tableau la gravure ; il la multiplie, la transmet à tous, et s’il n’en rend pas le coloris, il en rend du moins les clairs et les ombres.

Par les progrès déjà accomplis, et par ceux que le travail assidu des pianistes obtient chaque jour, le piano étend de plus en plus sa puissance assimilatrice. Nous faisons des arpèges comme la harpe, des notes prolongées comme les instruments à vent, des staccato et mille autres passages qui jadis semblaient l’apanage spécial de tel ou tel instrument. De nouveaux progrès prochainement entrevus dans la fabrication des pianos nous donneront indubitablement les différences de sonorité qui nous manquent encore. Les pianos avec pédale basse, le polyplectron, le claviharpe, et plusieurs autres tentatives incomplètes témoignent d’un besoin généralement senti d’extension. Le clavier expressif des orgues conduira naturellement à la création de