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pensée un germe d’avenir que d’autres dussent s’efforcer de cultiver. Ce que j’ai dit là, je l’ai dit à regret, et, pour ainsi dire, contraint par le public, qui avait pris à tâche de nous poser l’un auprès de l’autre, et de nous représenter comme courant dans la même arène, et nous disputant la même couronne, peut-être aussi le besoin inné chez les hommes d’une certaine organisation de réagir contre l’injustice et de protester, même dans les occasions les plus minimes, contre l’erreur ou la mauvaise foi, m’a-t-il poussé à prendre la plume, et à dire sincèrement mon opinion. Après l’avoir dite au public, je la dis à l’auteur lui-même lorsque plus tard nous vînmes à nous rencontrer[1]. Je me plus à rendre hautement justice à son talent d’exécution, et il parut mieux comprendre que d’autres ce qu’il y avait de loyal et de franc dans ma conduite. On nous proclama alors réconciliés, et ce fut un nouveau thème tout aussi longuement et aussi stupidement varié que l’avait été celui de notre inimitié. En réalité il n’y avait ni inimitié ni réconciliation. De ce qu’un artiste n’accorde pas à un autre une valeur artistique que la foule lui semble avoir exagérée, sont-ils nécessairement ennemis ? Sont-ils réconciliés parce qu’en dehors des questions d’art ils s’apprécient et s’estiment mutuellement ?

  1. À un concert de bienfaisance, donné sous les auspices de la princesse Belgiojoso, et auquel Liszt et Thalberg prirent part ensemble.