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blaient dire que tout ce qui avait paru avant lui, Hummel, Moschelès, Kalkbrenner, Bertini, Chopin, par le fait seul de sa venue, étaient rejetés dans le néant. Enfin j’étais impatient de voir et de connaître par moi-même des œuvres si neuves, si profondes qui devaient me révéler un homme de génie. Je m’enfermai toute une matinée pour les étudier consciencieusement. Le résultat de cette étude fut diamétralement opposé à ce que j’attendais ; et je ne fus surpris que d’une chose, c’est de l’effet universel produit par des compositions aussi creuses et aussi médiocres. J’en conclus qu’il fallait que le talent d’exécution de l’auteur fût prodigieux, et mon opinion ainsi formulée, je l’exprimai dans la Gazette musicale[1] sans autre intention perverse que celle de faire ce que j’avais fait en mainte occasion : dire mon avis, bon ou mauvais, sur les morceaux de piano que je prends la peine d’examiner. Je n’avais assurément pas l’intention, en cette circonstance plus qu’en d’autres, de gourmander ou de régenter l’opinion publique ; je suis loin de m’attribuer un droit aussi impertinent ; mais je crus pouvoir, sans inconvénient aucun, dire que si c’était là l’école nouvelle, je n’étais pas de l’école nouvelle ; que si telle était la direction que prenait M. Thalberg, je n’ambitionnais guère de marcher dans la même voie, et qu’enfin je ne croyais pas qu’il y eût dans sa

  1. Le 8 janvier 1837.