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II[1]

Paris, 7 avril 1837.

Encore un jour et je pars. Libre enfin de mille liens, plus chimériques que réels, dont l’homme laisse si puérilement enchaîner sa volonté, je pars pour des pays inconnus qu’habitent depuis longtemps mon désir et mon espérance.

Comme l’oiseau qui vient de briser les barreaux de son étroite prison, la fantaisie secoue ses ailes alourdies, et la voilà prenant son vol à travers l’espace. Heureux ! cent fois heureux, le voyageur ! Heureux celui qui ne repasse point dans les mêmes sentiers, et dont le pied ne pose pas deux fois dans la même empreinte. Traversant les réalités sans s’arrêter jamais, il ne voit les choses que comme elles paraissent, et les hommes que comme ils se montrent. Heureux qui, serrant la main d’un ami, sait la quitter avant de la sentir se glacer dans la sienne, et qui n’attend pas le jour où le regard

  1. « L’insertion de cette lettre a été retardée par l’abondance des matières », dit la Gazette musicale, en la publiant le 16 juillet 1837.