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les spiritualisent à leur insu, les ramènent par une voie détournée et qui ne peut leur être suspecte, à la pensée de Dieu perdue, au sentiment religieux et consolateur que le christianisme pharisaïque des grands et les dérisoires enseignements d’un clergé inféodé aux puissants de la terre leur ont fait perdre. Oh ! ce serait une belle chose, mon ami, que de voir l’éducation musicale du peuple se généraliser et se développer en France. Le beau mythe de la lyre d’Orphée peut encore, amoindri à la taille de notre siècle bourgeois et prosaïque, se réaliser en partie ; la musique, bien que déchue de ses antiques privilèges, pourra, elle aussi, devenir une divinité bienfaisante et civilisatrice, et ses enfants ceindront alors leur front de la plus noble des couronnes, celle que le peuple décerne à qui fut son libérateur, son ami, son prophète[1].

Mais adieu. Voici une trop longue lettre. Je remets à une autre fois à vous parler de toutes les merveilles musicales ou autres dont les affiches de Paris ne cessent de nous révéler l’existence. En attendant, plantez vos choux, faites de beaux livres, contez Peau-d’Âne à S…[2] et aimez-moi toujours comme par le passé.


  1. Ces mots semblent annoncer la future préface du poème symphonique d’Orphée et ce poème lui-même.
  2. Solange, fille de George Sand.