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naie des louanges se fabrique et s’accepte avec une incroyable facilité. Mais, malheur à l’artiste ou à l’écrivain qui se paie de ces valeurs mensongères : il s’endort complaisamment dans sa célébrité factice et se réveille face à face avec quelques articles de journaux creux et vides, tout étonné que le public ne se paie plus, lui, de ces belles phrases si redondantes, de ces beaux mots dorés dont rien ne subsiste que le ridicule.

Le monde élégant qui s’amuse de l’exécution vraiment surprenante de M. Gusikow, et qui épuise tout ce qu’il a d’enthousiasme pour admirer la course rapide de ses baguettes de bois sur son coussin de paille, daigne encore à peine s’enquérir d’une belle et grande tentative de progrès faite par un professeur dévoué et consciencieux, M. Mainzer[1]. Depuis quatre mois environ, il réunit plusieurs fois la semaine des hommes du peuple, de pauvres ouvriers qui, après les labeurs de la journée, viennent s’asseoir sur les bancs de l’école, écoutant avec docilité les enseignements d’un professeur plein de zèle et de patience, qui apporte les bienfaits de la musique à ces intelligences incultes, à demi sauvages, initie ces hommes fatalement abrutis par les joies grossières, seules joies possibles pour eux, à des émotions douces et pures qui

  1. L’abbé Joseph Mainzer (1807-1851) originaire de Trêves, venait de s’installer à Paris où il avait ouvert des cours de chant et de musique pour les ouvriers. En 1841 il s’établit à Londres, puis à Manchester où il développa dans des proportions considérables ce genre d’enseignement.