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années, à la suite de laquelle mon impérieux besoin de foi et de dévouement, ne trouvant point d’autre issue, s’absorba dans les austères pratiques du catholicisme. Mon front brûlant s’inclina sur les dalles humides de Saint-Vincent-de-Paule ; je fis saigner mon cœur et je prosternai ma pensée. Une image de femme chaste et pure comme l’albâtre des vases sacrés fut l’hostie que j’offris avec larmes au dieu des chrétiens[1] ; le renoncement à toute chose terrestre fut l’unique mobile, le seul mot de ma vie…

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Mais un isolement aussi absolu ne pouvait toujours durer. La pauvreté, cette vieille entremetteuse entre l’homme et le mal, m’arrachait à ma solitude contemplative, et me ramenait souvent devant un public duquel dépendait en partie mon existence et celle de ma mère. Jeune et excessif comme je l’étais alors, je souffrais douloureusement au choc des choses extérieures parmi lesquelles ma condition de musicien me rejetait sans cesse, et qui blessaient avec tant d’intensité le sentiment mystique d’amour et de religion dont mon cœur était rempli. Les gens du monde qui n’ont pas le temps de songer aux souffrances de l’homme quand ils viennent entendre l’artiste, et dont la vie facile est toujours renfermée entre ces deux points de compas qu’on appelle convenance et bienséance,

  1. Mlle Caroline de Saint-Cricq.