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…Qui ne serait tenté de conclure de l’accord très équivoque des voix et des instruments à l’accord plus problématique encore des esprits et des volontés ?… Par quelle bizarre inconséquence d’ailleurs les réformés, en proscrivant de leurs temples la peinture et la sculpture, y conservent-ils la musique et l’éloquence, « le premier des beaux-arts » ? Comment des préoccupations et des préventions exclusives leur font-elles oublier que le beau n’est que la splendeur du vrai, — l’art, le rayonnement de la pensée ?… Comment enfin ne se sont-ils pas aperçus que vouloir spiritualiser une religion à ce point qu’elle subsiste en dehors de toute manifestation extérieure, c’est en quelque sorte prétendre reformer l’œuvre de Dieu, ce grand et sublime artiste, qui, dans la création de l’univers et de l’homme, s’est montré tout à la fois le poète, l’architecte, le musicien et le sculpteur omnipotent, éternel, infini.

Je ne m’étendrai pas davantage au sujet de cette tentative, très louable d’ailleurs, de la société de chant sacré[1] et sans m’arrêter non plus à vous décrire en style épique les réjouissances et illuminations du troisième jour du Jubilé, je passerai à

  1. Quelque médiocre qu’ait été le résultat obtenu lors du Jubilé, cette société ne laisse pas que de rendre service à l’art, en exécutant les compositions religieuses des grands maîtres. Il serait même à désirer qu’en France il se formât des sociétés du même genre, ne fût-ce que pour chasser de nos églises le troupeau de ces ignobles beuglards vulgairement appelés chantres. (Note de Liszt.)