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à laquelle le ministre Farel y prêcha pour la première fois la réforme, l’église cathédrale dédiée au prince des apôtres ; ainsi par une de ces péripéties qui abondent dans le drame humanitaire, dont l’unité, appréciable à Dieu seul, ne nous sera révélée que lorsque le dernier homme en aura prononcé la dernière parole, le fondateur de la papauté, le grand pêcheur d’hommes, préside aujourd’hui les fêtes et les assemblées de ceux-là même qui arrachèrent à ses successeurs la plus large part de son héritage et ébranlèrent jusqu’en ses fondements le vaste édifice catholique auquel Pierre servit de première pierre. Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo ecclesiam meam.

À l’époque où Genève était encore orthodoxe, la cathédrale renfermait vingt-quatre autels ; de nombreux tableaux, des statues, des bas-reliefs la décoraient ; les stalles où se reposait pieusement l’embonpoint des chanoines étaient curieusement travaillées, ornées de figures d’apôtres et de prophètes ; parmi ces derniers, un caprice de l’artiste, fatigué sans doute de tant de vénérables et solennels visages, a placé Érythrée, la sybille romaine, se croyant suffisamment autorisé à une telle licence, par la légende qui nous apprend que cette femme inspirée annonça à l’empereur la venue du Messie, à l’instant même où il naquit dans la bourgade de Bethléem.

Maintenant les murailles sont dénudées, les sculptures et les bas-reliefs ont été mutilés par la main des réformateurs, et l’ancienne façade gothique