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quité la peinture des grands sentimens et la beauté du langage pouvaient, sous une plume inspirée et habile, former à eux seuls, une tragédie magnifique et acclamée. De nos jours un pareil succès est à peine accessible encore à la musique, et déjà elle n’ose d’ordinaire se borner à ces uniques mérites. Tout en continuant à être sur le théâtre l’expression immédiate des divers mouvemens qui agitent les cœurs, et leur révélation la plus éloquente, elle craint de plus en plus de remplir seule le spectacle, sans recourir aux auxiliaires qui rehaussent son attrait pour la foule, en excitant sa curiosité, sa surprise, en entretenant sans cesse et d’une manière factice au besoin, son attente et le plaisir de la diversité. Elle est donc d’autant mieux venue, l’œuvre qui a été conçue en dehors de toute considération d’actualité et de succès momentané, dans une recherche consciencieuse et désintéressée du beau en lui-même, et pour lui-même.

Le mythe de Dame Vénus caractérise d’une manière frappante la nébulosité de l’imagination germanique, qui, si elle se hasarde à rêver cette poétique sensualité que son érudition lui découvre dans les fictions mythologiques, dans les odes d’Anacréon où se sont mêlées et distillées goutte à goutte, les essences de rose, les larmes amoureuses et les vins de Scio ; dans les vers de Sapho, harmonieux comme