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matoire, offusquera ceux qui se complaisent dans l’art du chant, la virtuosité du gosier, et qui auront d’excellentes raisons à faire valoir pour protester contre leur exclusion du théâtre. Mais on pourra leur répondre que si la roulade et la vocalise n’ont aucune place ici, c’est qu’il est des manières diverses dans l’art, qui peuvent suivre chacunes leur développement sans prétendre à s’exiler ou s’anéantir, réciproquement et alternativement. Les amateurs d’airs faciles, de cabalettes, de ritournelles qu’on peut fredonner commodément à la sortie du théâtre, n’ont hélas ! qu’un maigre butin à faire dans le Tannhäuser. Excepté la romance à l’étoile du soir chantée par Wolfram, et qui pourrait obtenir un succès semblable à celui des Lieders de Schubert, et la grande marche du second acte très propre à la musique militaire, il n’est peut-être pas d’autre morceau qu’on puisse avantageusement détacher de la partition. Tout s’emboîte, et s’enchaîne dans le nœud dramatique ; tout concourt principalement à dessiner les caractères des personnages. Wagner dans sa conception toute individuelle de l’opéra, semble surtout préoccupé de mieux réussir à cet égard que ses devanciers. Il voudrait qu’en musique comme dans la tragédie, les caractères soient consciencieusement étudiés, que les discours et les actions des personnages aient de la vérité, se poursuivent avec conséquence, et offrent une fidèle image du cœur humain. Il ne néglige