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embrasser dans un dernier adieu, avec un déchirant effort, Elsa sa douce femme !

Elle s’affaisse pendant qu’il la quitte, lorsqu’inattendue, imprévue, Ortrude surgit tout à coup à côté d’elle. Suffoquée par une monstreusejoie, avec un râle glapissant, un crissement aigu, elle lui montre le cygne, et se précipitant volontiers vers une perte infaillible pour lui infliger un dernier désespoir, elle lui crie : « Je te remercie de l’avoir chassé d’au milieu de nous, ton noble héros !… car s’il fût resté avec toi, ton frère eût été délivré… c’est moi, moi, qui l’ai ensorcelé, et qui l’ai changé en cygne, en lui mettant au cou cette chaîne d’or que tu lui vois.... qu’ils partent tous deux maintenant,… tu ne les reverras plus !… Mes Dieux que vous tous, vous avez abjurés, m’ont aidé ainsi à me venger de vous !.... » À ce cri de féroce jubilation, Lohengrin, parvenu déjà sur les bords du fleuve, s’agenouille dans une prière muette, pendant que l’orchestre reprend avec solennité le motif du St Graal. Le cygne disparaît dans les eaux ; une colombe descend, et saisit la chaîne de la nacelle. Peu après Godefroi de Brabant sort des flots. Tous saluent le jeune prince. La mélodie particulière au Lohengrin revient, et se développe dans son entier jusqu’à la fin de la scène, pendant que, monté dans la barque, il s’éloigne lentement. Lorsqu’Elsa serrée dans les