Mais, loin d’effacer le souvenir du sentiment profond et malheureux qui saisit d’abord, elle augmente au contraire par son ironique et amer contraste les émotions pénibles de l’auditeur, au point qu’il se sent presque soulagé lorsque la première phrase revient et qu’il retrouve l’imposant et attristant spectacle d’une lutte fatale, délivrée du moins de l’importune opposition d’un bonheur naïf et inglorieux ! Comme un rève, cette improvisation se termine sans autre conclusion qu’un morne frémissement, qui laisse l’âme sous l’empire d’une désolation poignante.
Dans la Polonaise-fantaisie, qui appartient déjà à la dernière période des œuvres de Chopin, à celles qui sont surplombées d’une anxiété fiévreuse, on ne trouve aucune trace de tableaux hardis et lumineux. On n’entend plus les pas joyeux d’une cavalerie coutumière de la victoire, les chants que n’étouffe aucune prévision de défaite, les paroles que relève l’audace qui sied à des vainqueurs. Une tristesse élégiaque y prédomine, entrecoupée par des mouvemens effarés, de mélancoliques sourires, des soubresauts inopinés, des repos pleins de tressaillemens, comme les ont ceux qu’une embuscade a surpris, cernés de toutes parts, qui ne voient poindre aucune espérance sur le vaste horizon, auxquels le désespoir est monté au cerveau comme une large gorgée de ce vin de Chypre qui donne une rapidité plus instinctive à tous les gestes, une pointe plus acérée à tous les mots, une étincelle plus brûlante à