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ou les joûtes de l’éloquence, les capitaines qui avaient plus souvent porté la cuirasse que les vêtemens de paix, les grands dignitaires de l’État, les vieux sénateurs, les palatins belliqueux, les castellans ambitieux, étaient les danseurs attendus, désirés, disputés par les plus jeunes, les plus brillantes, les moins graves, dans ces choix éphémères où l’honneur et les honneurs égalisaient les années et pouvaient donner l’avantage sur l’amour lui-même. En nous entendant raconter par ceux qui n’avaient point voulu quitter le zupan et le kontusz antiques, dont la chevelure était rasée aux tempes comme celle de leurs ancêtres, les évolutions oubliées et les à-propos disparus de cette danse majestueuse, nous avons compris à quel point cette nation si fière d’elle-même avait l’instinct inné de la représentation ; à quel point elle s’en faisait besoin et combien, par le génie de la grâce que la nature lui a départi, elle poétisait ce goût ostentatoire en y mêlant le reflet des nobles sentimens et le charme des fines intentions.

Les convenances no permettaient pas qu’on leur enlève la dame en les relayant ; on attendait pour cela qu’ayant achevé le tour de la salle, ils la ramènent à sa place avant de s’en séparer. Les dignitaires de l’Église demeuraient alors simples spectateurs, pendant que la promenade se continuait sous leurs yeux. Dans les derniers temps, quand les délicatesses du savoir-vivre propres à ces mœurs toutes particulières s’effacèrent, sous l’influence des contactes sociaux trop fréquens avec les autres nations ; quand une plus grande réserve fut imposée au clergé dans tous les pays, les personnages ecclésiastiques s’abstinrent de participer à la danse nationale et même de paraître aux bals qu’elle commençait.